J'ACCUSE, de Emile ZOLA - I
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Ces pages ont paru dans L'Aurore, le 13 janvier 1898.
Ce qu'on ignore, c'est qu'elles furent d'abord imprimées en une brochure, comme les deux lettres précédentes. Au moment de mettre cette brochure en vente, la pensée me vint de donner à ma lettre une publicité plus large, plus retentissante, en la publiant dans un journal. L'Aurore avait déjà pris parti, avec une indépendance, un courage admirables, et je m'adressai naturellement à elle. Depuis ce jour, ce journal est devenu pour moi l'asile, la tribune de liberté et de vérité, où j'ai pu tout dire. J'en ai gardé au directeur, M. Ernest Vaughan, une grande reconnaissance. - Après la vente de L'Aurore à trois cent mille exemplaires, et les poursuites judiciaires qui suivirent, la brochure resta même en magasin. D'ailleurs, au lendemain de l'acte que j'avais résolu et accompli, je croyais devoir garder le silence, dans l'attente de mon procès et des conséquences que j'en espérais.
J'ACCUSE
Monsieur le Président,
Me permettez-vous, dans ma gratitude pour le bienveillant accueil que vous m'avez fait un jour, d'avoir le souci de votre juste gloire et de vous dire que votre étoile, si heureuse jusqu'ici, est menacée de la plus honteuse, de la plus ineffaçable des taches?
Vous êtes sorti sain et sauf des basses calomnies, vous avez conquis les coeurs. Vous apparaissez rayonnant dans l'apothéose de cette fête patriotique que l'alliance russe a été pour la France, et vous vous préparez à présider au solennel triomphe de notre Exposition Universelle, qui couronnera notre grand siècle de travail, de vérité et de liberté. Mais quelle tache de boue sur votre nom - j'allais dire sur votre règne - que cette abominable affaire Dreyfus! Un conseil de guerre vient, par ordre, d'oser acquitter un Esterhazy, soufflet suprême à toute vérité, à toute justice. Et c'est fini, la France a sur la joue cette souillure, l'histoire écrira que c'est sous votre présidence qu'un tel crime social a pu être commis.
Puisqu'ils ont osé, j'oserai aussi, moi. La vérité, je la dirai, car j'ai promis de la dire, si la justice, régulièrement saisie, ne la faisait pas, pleine et entière. Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de l'innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu'il n'a pas commis.
Et c'est à vous, monsieur le Président, que je la crierai, cette vérité, de toute la force de ma révolte d'honnête homme. Pour votre honneur, je suis convaincu que vous l'ignorez. Et à qui donc dénoncerai-je la tourbe malfaisante des vrais coupables, si ce n'est à vous, le premier magistrat du pays?
La vérité d'abord sur le procès et sur la condamnation de Dreyfus.
Un homme néfaste a tout mené, a tout fait, c'est le lieutenant-colonel du Paty de Clam, alors simple commandant. Il est l'affaire Dreyfus tout entière; on ne la connaîtra que lorsqu'une enquête loyale aura établi nettement ses actes et ses responsabilités. Il apparaît comme l'esprit le plus fumeux, le plus compliqué, hanté d'intrigues romanesques, se complaisant aux moyens des romans-feuilletons, les papiers volés, les lettres anonymes, les rendez-vous dans les endroits déserts, les femmes mystérieuses qui colportent, de nuit, des preuves accablantes. C'est lui qui imagina de dicter le bordereau à Dreyfus; c'est lui qui rêva de l'étudier dans une pièce entièrement revêtue de glaces; c'est lui que le commandant Forzinetti nous représente armé d'une lanterne sourde, voulant se faire introduire près de l'accusé endormi, pour projeter sur son visage un brusque flot de lumière et surprendre ainsi son crime, dans l'émoi du réveil. Et je n'ai pas à tout dire, qu'on cherche, on trouvera. Je déclare simplement que le commandant du Paty de Clam, chargé d'instruire l'affaire Dreyfus, comme officier judiciaire, est, dans l'ordre des dates et des responsabilités, le premier coupable de l'effroyable erreur judiciaire qui a été commise.
(...)
[Continua... ]
Se tiver pressa pode ler aqui a totalidade do texto. Deve fazer uma busca por autor.
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